L’œuvre en question de l’artiste écrivaine Hanae Mikou se présente comme une constellation de formes allongées et vibratoires, évoquant des gouttes suspendues, en tension entre chute et élévation. La matière picturale, épaisse par endroits, rugueuse ailleurs, dialogue avec des ajouts de trame textile qui amplifient l’impression de fragilité contenue dans la densité. Ces gouttes ne sont pas représentées de manière mimétique : elles apparaissent transposées, distendues, métamorphosées, jusqu’à devenir des figures organiques, oscillant entre abstraction végétale et embryologie visuelle.
Dans la culture marocaine, la goutte de rosée (قطرة ندى) porte une charge symbolique particulière. Elle évoque la fraîcheur de l’aube dans un pays où le soleil dicte les rythmes de vie, elle incarne la grâce éphémère, la bénédiction divine (بركة) qui nourrit les fleurs du matin. Dans la poésie soufie comme dans les chants populaires, la rosée symbolise l’instant fragile où le ciel effleure la terre. Elle condense à la fois la temporalité brève et l’infini spirituel.
La transposition plastique opérée par l’artiste HanaaMikkou réinvente ce symbole. Ici, la rosée n’est plus simple condensation naturelle, mais mémoire d’un geste pictural : elle devient matière-métaphore. Les gouttes, étirées en flammes organiques, suggèrent que la rosée, dans le contexte contemporain, se transforme en trace incandescente, comme si le symbole ancestral de fraîcheur et de grâce devait désormais traverser la rudesse du monde actuel pour subsister. La texture épaisse et les éléments de toile ajoutée réinscrivent cette douceur originelle dans une topographie du heurt, de la résistance.
Ainsi, l’œuvre propose une dialectique : la rosée comme mémoire fugace de la nature et la peinture comme dispositif de permanence. Dans cette tension, la culture marocaine se lit comme espace où la fragilité des symboles traditionnels (rosée, aube, bénédiction) s’inscrit dans des formes nouvelles, fragmentées, réinterprétées par la plasticité contemporaine.