
Par Faouzi Skalli, anthropologue et écrivain
Le 15 mars 2023 l’intellectuel marocain Abdelghani Maghnia est décédé à Fès laissant une empreinte vivace dans la mémoire de toux ceux qui ont connu et apprécié cet aristocrate de la pensée , au comportement humble et raffiné.
Un passeur d’idées et de culture en quête d’humanisme et de spiritualité.
Il fait partie de cette galerie d’intellectuels tutélaires qui ont éclairé chacun à sa manière les débats autour des idées , de l’art et de la politique depuis les années soixante du siècle dernier . Laroui, Jabri , Taha, Mernissi , El Maleh , El Khatibi , Balkahia, Laabi … et bien d’autres encore .
Il se démarquait par sa discrétion, sa douceur et sa fibre artistique hérités du microcosme magique d’Essaouira où pendant un temps il fut le Délégué du Ministère de la culture. Autant de valeurs qu’ils a tranquillement transposées et disséminées dans sa ville d’adoption , Fès , marquant ainsi de son empreinte personnelle des générations d’étudiants . Abdelghani nous a laissé de nombreux articles et une œuvre magistrale sur les étapes les plus pertinentes de l’évolution de l’université de la Qarawiyîn ( Tradition et innovation à la Qarawiyîn).
Il savait tisser des amitiés durables , inconditionnelles qui lui permettaient d’entretenir des collaborations fructueuses , au long souffle . Doté d’une courtoisie naturelle il ne donnait jamais l’impression d’être pressé. Il avait le temps . Celui précisément de cultiver ces liens et ces moments d’échanges dans son appartement de Fès, ouvert aux amis et à de nombreux visiteurs .
Son attention toujours portée vers la richesse palpable des plus démunis faisait de lui une sorte de poète du quotidien .
Je fus de ceux qui avaient observé son évolution vers une quête de spiritualité dont il trouvait la résonance dans les grands textes du soufisme . Il se mêlait ainsi aux « fuqara » ces « pauvres en Dieu » dont il voulait faire partie sachant magnifier dans l’âme humaine ce qu’elle a de plus essentiel et dans la pensée ce qui qui grandit notre humanité . Il a appartenu à la Zawiya Qadiriya dont il fut l’un des plus fervents et plus discrets adeptes.
À sa mort ceux nombreux qui sont venus pour lui transmettre leur dernier adieu ont compris qu’il faisait partie non seulement d’un cénacle d’intellectuels dont il fut l’un des derniers survivants mais aussi d’une forme , qui lui fut singulière, de sainteté.
Le cœur des hommes libres dit un adage est le tombeau des secrets .
Abdelghani Maghnia , a préféré d’abord prendre soin de partir avant de nous en laisser découvrir quelques uns parsemés dans son œuvre et le témoignage vivant de ceux qui l’ont connu.
Son ami de toujours . Faouzi Skali.